Mater nostra

Notre Terre qui es réelle,
Que ton existence soit sacralisée,
Que ta force revienne,
Que ta beauté éclaire le vide sidéral et nos cœurs.
Offre-nous, s’il-te-plaît, notre pain quotidien.
Pardonne-nous nos offenses,
Comme nous pardonnons aussi à nos ancêtres qui se sont fourvoyés.
Redonne à nos enfants le désir de vivre
Et délivre-nous du mal. 
Car c’est à toi qu’appartiennent la gloire,
La puissance et nos vies
Jusqu’à la fin des temps.
Amen.

Oraison terrienne “Notre Mère”
Rédigée en 2059 par le dernier pape, Clément XV, lors de la dissolution du Vatican

Oramus veniam

Ô toi, mon foyer, ô toi, ma Terre, ma mère!
Tu nous as tant donné et nous t’avons tout pris.
Nous avons pris ta faune, tes rivières, tes fruits,
Annexé tes vallées, vidé tes océans.
Nous nous sommes goinfré de tes dons abondants
Mais étions insatiables et voulions plus encore.
Alors, nous avons pris tes cieux, ta flore, ton or.
Nous avons tout pillé, fauché ta vie sauvage,
Avons percé tes veines d’innombrables forages  
Pour faire de ton sang d’insidieuses potions.
Croyant que tu étais notre propriété,
Nous nous sommes gavés, armés, multipliés.

Ô toi, ma Terre, ma mère,
Pardonne à tes enfants
Leur folle avidité.

Ô toi, mon foyer, ô toi, ma Terre, ma mère!
Nous t’avons épuisée sans un remerciement.
Nous avons saccagé tes plages, tes mers, tes îles,
Couvert ta peau des croûtes de nos routes, de nos villes,
Ravagé tes forêts pour y faire nos moissons,
Ruiné tes paysages, déréglé tes saisons.
Même tes séquoias ont été tronçonnés.
Les animaux ont fui, les déserts ont gagné.
Nous avons pris la place, réifié le vivant.
Nous nous sommes servis, sans partage, insouciants,
Et n’avons su te rendre qu’un vomi torrentiel 
De drames, de feux, d’engins, de gaz pestilentiels.

Ô toi, ma Terre, ma mère,
Pardonne à tes enfants
Leur immense égoïsme.

Ô toi, mon foyer, ô toi, ma Terre, ma mère!
Nous avons fait de toi notre terrain de jeu,
Abusé de tes grâces, de tes horizons bleus.
Sur tes reliefs purs nos bombes ont fait des plaies.
Nous avons mutilé, bafoué, décimé
Ton harmonie, tes lois, tes fabuleux trésors.
Notre sombre arrogance a convoqué la mort.
Ta puissance vitale a flétri sous nos yeux.
Maintenant qu’elle s’éteint, nous devons faire sans Dieu.
Abeilles, bélugas, girafes ne sont plus.
Dans le jour étouffant, les oiseaux se sont tus.

Ô toi, ma Terre, ma mère,
Pardonne à tes enfants 
Leur violence insensée.

Ô toi, mon foyer, ô toi, ma Terre, ma mère,
Nous souffrons tant du mal que nous t’avons causé.
Les pires parmi les nôtres ont cru te posséder
Des sous-sols aux nuages, des pôles à l’équateur.
Mais nous ne voulons plus demeurer ta tumeur.
Nous savons aujourd’hui que nous ne sommes rien
Sans ton air, sans ta pluie, sans ta jungle, sans tes liens.
Nos torts sont si grands, nous pardonneras-tu ?
L’heure est à l’espérance d’un vrai respect vécu.
Nous savons notre faute, acceptons ta sentence.
Pardon pour l’égoïsme, pardon pour la violence,
Pardon pour l’arrogance et pour l’avidité.

Pardonne-nous, ma mère, 
Car nous avons changé.

Prière des repentis – Anonyme – 2062

NDLR : poème composé dans le cadre de la rédaction d’une histoire qui se déroule en l’an 2142.
Photo : Peuplier argenté (Populus Alba) en bords de Seine.

Sous le lit, de Mr.Q

Un dessin et des teintes sensibles,
un trait tout en délicatesse et vibrations
qui servent le sujet – l’amour, l’amitié, Paris,
la solitude, la beauté des filles et des garçons… –
un espace généreux laissé aux silences,
aux moments de flottement ou de calme,
des personnages esquissés avec suffisamment de nuances
pour exister en quelques cases, ni héroïques, ni lâches,
tout simplement humains comme j’aime,
avec leurs faiblesses et leurs forces,
des jeunes gens d’aujourd’hui qui expérimentent la liberté
dans ce qu’elle a de séduisant et de déstabilisant.
Bref.
De la douceur et de l’intelligence.
Que demander de plus ?
Un premier livre intimiste de toute beauté.
J’attends les prochaines œuvres de Mr.Q avec impatience.

Pour en savoir plus sur le livre >> desailessuruntracteur

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Mr.Q tient un blog
>> http://petitsmensonges.canalblog.com
possède une page FaceBook
>> //www.facebook.com/petitsmensonges/timeline
et conçoit de fort bons articles sur
>> http://www.madmoizelle.com/author/mrq

Le vers selon Stéphane Mallarmé

Je dis : une fleur ! et, hors de l’oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d’autre que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l’absente de tous bouquets.

Au contraire d’une fonction de numéraire facile et représentatif, comme le traite d’abord la foule, le dire, avant tout, rêve et chant, retrouve chez le Poète, par nécessité constitutive d’un art consacré aux fictions, sa virtualité.

Le vers qui de plusieurs vocables refait un mot total, neuf, étranger à la langue et comme incantatoire, achève cet isolement de la parole : niant, d’un trait souverain, le hasard demeuré aux termes malgré l’artifice de leur retrempe alternée en le sens et la sonorité, et vous cause cette surprise de n’avoir ouï jamais tel fragment ordinaire d’élocution, en même temps que la réminiscence de l’objet nommé baigne dans une neuve atmosphère.

(Extrait de « Divagations »)

Rief l’Ermite

Qui es-tu au désert, qui es-tu qui te caches,
qui me souffles et chuchotes que ma révolte est tienne ?
Oui ta révolte est mienne et nos mots sont les mêmes
et comme toi, mon frère, je cherche mes attaches.

Mais viens donc inconnu aux parures de chef,
pose ton baluchon et profitons de l’ombre.
Nos pieds se sont usés aux longues dunes blondes
allons les apaiser à l’oasis fraîche.

As-tu un nom, un titre, toi, voyageur aimable ?
— Je suis Rief l’Ermite, le guerrier redoutable,
mort et miraculé dans les Grands Monts de Souffre,
revenu ici-bas renouveler mon souffle.

Alors asseyons-nous, entendons les promesses
de cette source vive au pied de l’olivier
qui tresse en ondes claires ses faveurs et sa liesse.
Taisons-nous, ô Rief, écoutons l’amitié.